Préparation
Comment l'idée nous est venu, et comment nous nous sommes préparés jusqu'au départ
28 oct. 2024
Novembre 2023 : l’idée
C’était un soir de novembre comme un autre à Paris. Nous avons diné tous les deux, comme souvent après le travail. Mais ce soir-là, on était un peu plus inspirés que d’habitude et on s'est laissé aller à un exercice dangereux :
Si tu pouvais faire ce que tu voulais, tu ferais quoi ?
Mais ce qu’il y a de vraiment fou, c'est qu'on aspirait à la même chose : une grande aventure, livrés à nous même, dans des régions inconnues. Si possible une société à la fois historique et difficile à appréhender, sans nous exposer à trop de risques sécuritaires sur le chemin. La Chine, puissance mondiale à la langue et aux rites énigmatiques était toute désignée.
Mais contrairement à nos voyages précédents, cette fois, plus question d’avion. L’urgence changement climatique est trop importante pour nous, et l’avion trop néfaste pour le climat.
Donc quoi ? Faire du stop ? Prendre le bus ? Tout faire à vélo ?
C’est là que Benjamin a abattu sa carte maîtresse : « la marche ».
Il avait une première expérience de longue marche dans les Alpes Suisses qui lui avait laissé un souvenir merveilleux. Il a suffi qu’il emploie les bons mots : « connexion au monde », « à hauteur d’humain », « autosuffisance » pour faire basculer la décision.
Mais si c’était le plus beau sur le papier, ça n’impliquait pas exactement les mêmes décisions.
Aller en Chine en train, ça prend 2 semaines. On aurait presque pu le faire sur nos vacances d’été.
En vélo, 6 mois. Une année sabbatique et c’est réglé.
À pied, 2 ans. Et là, c’est une autre histoire.
Le principal inconvénient de cette idée, c'est qu'elle n'en avait pas. À partir du moment où l'on s'était laissé rêver à s’y aventurer, c'était très dur de ne pas y penser. Et on a eu beau chercher, on n'a trouvé aucune raison valable de ne pas la creuser plus loin …
C’est à ce moment que nous avons commencé à avertir nos familles et copains les plus proches que nous avions quelque chose en tête …
Décembre 2023 : l’approfondissement
Mais avant de nous engager à quoi que ce soit, nous avons approfondit. Est-ce que c’était « raisonnablement » (terme très relatif) possible sans mettre délibérément nos vies en danger ? Quelles implications en terme de temps ? Quel budget et quel financement ?
Pour répondre à la première question, nous avons tracé un itinéraire grossier en essayant d’éviter les principales zones d'instabilités en cours, sur les conseils du ministère des affaires étrangères. Nous avons par exemple préféré éviter le Donbass … Pour le reste, nous avons réussi à tracer un itinéraire sans trop de difficulté en jonglant avec les diverses exigences de visas.
Seul un court passage en Russie entre la Géorgie et le Kazakhstan pourrait poser problème, mais de nombreux témoignages de voyageurs semblait indiquer que le passage était envisageable. Nous aurions simplement à renoncer à meurtrir nos voûtes plantaires sur ce passage et préférer une correspondance bus-train. À moins, et c’est bien notre option préférée, que Russes et Ukrainiens ne réussissent à se réconcilier d’ici là …

Carte des niveaux de risque par région, d'après le Ministère des affaires étrangères
L'itinéraire tracé indiquait entre 16000 et 18000 kilomètres. Nous pouvions maintenant en déduire une durée, puis un budget. Pour la durée, il nous fallait déterminer un rythme quotidien moyen. Nous nous sommes pour cela appuyés sur de nombreux retours d'expériences de marcheurs au long cours, comme JM Caminaire, Further Stories, Jérémy Bigé ou encore Samuel Knopf.
En étudiant leurs itinéraires et rythme, nous avons défini une fourchette de 20 et 25km par jour. Cette fourchette est délibérément basse pour nous permettre d'aller à notre rythme et d'amortir d'éventuelles complications.
18000km / 20km/jour = 900 jours, soit 2 ans et 5 mois
Nous devions donc nous faire à l'idée que ce projet nécessitait une durée de 2 à 3 ans.
Même chose pour le budget.
Les aventuriers les plus économes faisaient état de budgets quotidiens autour de 10€, quand la fourchette pouvait monter à 20€ en particulier en Europe.
900 jours x 10€ x 2 personnes = 18’000€
Ça c’est pour le strict minimum, qui implique une grande majorité de nuits en tente et de sandwich.
Mais dès que l'on intègre quelques nuits au chaud pendant l'hiver et des jours de repos, cela double voir triple le budget.
À nous donc d'aller chercher des financements pour nous permettre de rendre cette aventure plus agréable et nous donner toutes les chances d'arriver au bout.
Ces éléments en tête, le défi ne nous paraissait pas tout à fait impossible.
À partir de là, nous nous sommes lancés.
Janvier-Mai 2024 : la transition
Nous n’avions pas vraiment de raisons objectives à vouloir tout envoyer balader. Nous étions tous les deux dans nos premières années de travail à Paris. Nous avions plein de copains, un travail avec du sens et des perspectives, des appartements mignons, des salaires confortables …
Mais apparemment, le temps du confort n’était pas encore venu pour nous. Nous avons donc dû nous résoudre à annoncer la nouvelle à nos employeurs, dont vous pouvez imaginer la surprise.
« J’aime beaucoup mon travail, mais je vais partir marcher jusqu’en Chine … »
Nous avons ensuite gardé nos emplois jusqu’à fin mai, pour nous laisser le temps de la transition qui impliquait de quitter nos emplois donc, nos appartements, et nos copains. Mais cela nous laissait aussi 3 mois durant l’été pour finaliser la préparation, ce qui est le strict minimum pour un projet de cette ampleur.
Mais nous devions anticiper au maximum, et avons dédié un certain nombre de soirées et weekend au projet. Il fallait créer le site internet, affiner l’itinéraire, faire la liste du matériel, contacter les premiers sponsors, … Nous nous sommes aussi beaucoup renseignés sur les régions à traverser.
Finalement, nous avons quitté Paris après avoir dit au revoir à tous nos amis et collègues, et en ayant une vision beaucoup plus précise de ce qu’il nous attendait.
Juin-Août 2024 : les derniers détails
Il nous restait donc 3 mois pour préparer le départ.
La marche a cela pour elle qu’elle ne nécessite pas de grande préparation physique. Puisque nous ne visons pas d’objectif de performance, et que nous étions déjà très sportifs à Paris (nous venions notamment de courir le marathon de Paris), nous avons préféré dédier ces mois à anticiper tout ce que nous pouvions plutôt qu’à aller marcher.
Affiner l'itinéraire
Est-ce que les postes frontières sont ouverts ? Quelles sont les conditions climatiques qui nous attendent dans les différentes régions ? Quel équipement cela implique ?
Nous avons donc passé beaucoup de temps devant des cartes à essayer de nous rendre compte de ce qui nous attendait réellement, tout en sachant que nous pourrons faire évoluer le projet en cours de route en fonction de nos retours sur le terrain.
Finaliser l'équipement
Nous avons aussi rassemblé tout le matériel dont nous allions avoir besoin. Nous avions l’objectif de voyager le plus léger possible, sachant que le poids de notre sac à dos serait notre pire ennemi sur ces deux années. Il y a donc eu un vrai travail de sobriété sur l’équipement pour ne garder que l’essentiel. La règle d'or pour randonner léger :
enlever le « ça, ça pourrait être utile non ? »
Nous avons ensuite contacté le plus de marques possibles pour alléger la facture, et ça a plutôt fonctionné. Il ne nous restait ensuite plus qu’à rassembler les derniers éléments, et procéder à la pesée finale.
Nous sommes également partis bivouaquer une semaine avec nos meilleurs copains pour tester le matériel en conditions réelles. Le détail de l’équipement sera présenté dans un prochain article.
Trouver les financements
Il va de soit que nous n’avions pas de quoi financer ce projet sur nos propres économies, sinon ça aurait été trop facile. Nous avons donc dû rechercher des sponsors, sachant que nous n’avions pas beaucoup d’arguments pour nous. Pas d’expérience de ce type, pas de communauté sur les réseaux sociaux, … Mais nous avions une idée. Ça nous a permis de convaincre les premiers partenaires (Lafuma, Ville d'Annecy, …).
Nous avons profité de l’été pour travailler nos réseaux sociaux et créer une cagnotte en ligne pour permettre à ceux qui le veulent de nous aider à réaliser ce projet.
À la veille du départ, nous n’avions pas réuni l’intégralité de ce dont nous avions besoin pour aller au bout. Mais, au cours de nos échanges avec d’autres aventuriers, certains nous ont dit être parti avec à peine un tiers de leur budget (!). L’important, c’est de partir. Le reste, ça s’arrangera.
Acquérir de nouvelles connaissances
Nous avons dans l’ordre :
Participé à un stage de survie, pour apprendre les bons réflexes en cas de mauvaise passe
Acquis les compétences de tournage et montage vidéo nécessaire à une activité sur les réseaux sociaux
Appris les bases de plusieurs langues rencontrées sur la route
Et surtout, beaucoup de temps avec notre famille et nos amis
Parce que si c’est une aventure merveilleuse, elle implique d’être loin de nos proches pour un grand moment. Et c’était important pour nous de faire le plein de moments avec eux avant de partir.
Des nouvelles à chaque étape
On vous enverra des nouvelles dès qu'on a un peu de temps ! (Tous les deux mois max)